Le licenciement pour insuffisance de résultat est un motif de licenciement d’ordre personnel, basé sur le constat de performances insuffisantes du salarié.
Cette insuffisance doit cependant être objectivement établie et démontrée, pour pouvoir constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Qu’est-ce qui n’est PAS constitutif d’une insuffisance professionnelle ?
Le seul fait de ne pas atteindre les objectifs fixés par l’employeur, sans avoir démontré la négligence ou la responsabilité fautive du salarié.
(Cass soc. 11 juillet 2001, N° 99 – 42927)
Car ces objectifs pourraient être inatteignables, ou le salarié manquer de moyens ou de formation ou de temps de travail pour les atteindre.
Ou encore : les objectifs pourraient avoir été fixés tardivement par rapport à la période donnée pour les réaliser, ou fixés de façon non explicite, ou même ne pas avoir été fixés du tout.
Ou enfin les objectifs pourraient avoir été soumis au salarié qui les aurait refusés, en soulignant son impossibilité à les atteindre.
L’employeur doit donc caractériser le manquement du salarié au-delà de la non-atteinte de résultats, qui malgré les conditions de travail, une formation adéquate et des moyens adaptés, ne parvient pas à atteindre des objectifs raisonnables pour son secteur d’activité, son métier et son expérience.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle n’est pas une procédure disciplinaire, mais il implique néanmoins une notion de manquement délibéré ou de négligence coupable, ou une insuffisance d’implication inexcusable et imputable au salarié.
Le fait de ne pas atteindre des objectifs non quantifiables :
Tous les collaborateurs n’ont pas d’objectifs chiffrés : ce type de contrainte contractuelle est surtout réservée aux fonctions commerciales ou de direction opérationnelle.
De nombreux salariés occupant des fonctions administratives ou transverses (compta, finances, ressources humaines, marketing, juridique, communication…) ont usuellement des objectifs dits qualitatifs, liés à des qualités comportementales, relationnelles, ou au respect de normes et procédures de travail, etc.
Dans ce cas, l’employeur doit mettre au point un système équitable et objectif d’appréciation de ces objectifs.
Là encore, pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, il faudra établir la réalité des manquements, leur ampleur, et le préjudice consécutif sur l’activité de l’entreprise.
Le seul fait de ne pas percevoir la prime contractuelle associée à l’atteinte d’objectifs :
En effet, l’atteinte d’objectifs chiffrés est le plus souvent assortie du versement d’une prime.
Qu’elles soient nommées bonus, part variable, rémunération variable, prime sur objectif, incentive ou tout autre libellé, ces compléments de salaire récompensent le fait d’avoir rempli – en partie ou totalement – des objectifs fixés annuellement.
Les plans de commissionnement ou plans d’objectifs détaillent l’enveloppe maximale de la commission, les éventuels paliers de réussite (par ex 50% de la commission versée si l’objectif est atteint à 50%, ou encore 50% de la commission versée si l’objectif est atteint de 40 à 50%, ou super-bonus prévu si l’objectif est atteint à 100% et dépassé, etc.)
Le plan de commissionnement peut également prévoir les échéances de versement de la prime sur objectif : mensuelle, trimestrielle, annuelle…
Ces objectifs et leur « récompense » restent cependant accessoires à la mission contractuelle et la rémunération de base associée à cette mission.
En d’autres termes, ce n’est pas parce que je n’ai pas atteint mes objectifs que je ne respecte pas mes obligations contractuelles, que je n’ai pas fourni mon travail correctement, et que je ne suis pas de bonne foi dans mon investissement professionnel.
La prime sur objectif est un « plus » dans la relation contractuelle, qui reflète une bonne implication du salarié et soutient la motivation, jusqu’à constituer un complément de salaire contractuel dans son principe, mais ne pas la percevoir ne prouve pas, a priori, la faute.
En toute logique, licencier un commercial pour insuffisance alors que l’employeur lui a versé 80, 90 ou 100% de sa prime sur objectifs posera problème, car le versement des primes est contradictoire avec le reproche formulé.
A l’inverse, ne pas verser les primes sur résultat ne suffit pas à justifier un licenciement pour insuffisance, et une clause contractuelle en ce sens serait inapplicable.
Le marché peut empêcher les bons résultats d’un commercial, ou les objectifs peuvent être trop ambitieux (échec à les atteindre), ou à l’inverse les objectifs peuvent être très accessibles et faciles à atteindre, et ne servir qu’à justifier le versement d’un complément de salaire quasiment certain.
QUID de la condition de présence prévue dans un contrat ou un plan de commissionnement ?
La clause de prime sur objectifs peut conditionner la perception d’une prime à la présence dans les effectifs de l’entreprise au moment de la revue des objectifs atteints sur la période donnée.
Par exemple, pour des objectifs à atteindre au cours d’une année civile, le contrat peut prévoir que le salarié doit être dans les effectifs au 31 décembre de l’année en question, pour percevoir sa prime.
Ce qui signifie que si le salarié a atteint son objectif annuel mais qu’il n’est plus dans l’entreprise depuis le 30 novembre car il a été licencié ou a présenté sa démission, l’employeur serait en mesure de ne pas lui verser la prime, pas même au prorata du temps de présence dans l’entreprise.
Autre cas de figure : la prime sur objectifs est versée par fractions chaque trimestre, en cas d’atteinte d’objectifs trimestriels, et le contrat conditionne le versement à une présence effective au dernier jour du trimestre.
Dans certains cas, en fonction du cycle de l’activité ou pour des raisons comptables, le versement de la prime est décalé dans le temps par rapport à la période d’activité.
Ce type de clause a été soumis à la Cour de cassation par le biais de nombreux contentieux liés à la rupture du contrat de travail, et la chambre sociale de la haute juridiction a formé une jurisprudence stable :
Il est possible d’imposer une condition de présence effective du salarié durant toute la période qui doit être travaillée pour l’ouverture d’un droit à une prime sur cette période donnée.
Exemple : la prime est semestrielle / elle est versée si =) atteinte d’objectifs semestriels + =) présence effective durant tout le semestre en question.
Il est impossible d’imposer une condition de présence effective du salarié au-delà de la période de travail à laquelle se rapporte la prime, en cas de décalage entre la période de travail visée par le plan de commissionnement et la date effective de versement de la prime.
Exemple : la prime est trimestrielle mais elle est versée au début du trimestre suivant. Si le salarié a quitté la société en avril, il aura cependant droit à la prime correspondant à janvier/février/mars, s’il a atteint ses objectifs.
La cour de cassation considère en effet que, s’agissant de rémunération variable, le droit à la prime est acquis, peu important qu’elle soit versée plus tard, à une date à laquelle le salarié a quitté la société.
Il est impossible de supprimer la prime annuelle constituant une part variable de la rémunération (et présentée comme telle dans le contrat de travail) au motif que le salarié n’était plus présent dan l’entreprise à la fin de l’année en question.
Dans ce cas, dit la cour de cassation, il doit percevoir la prime au prorata de son temps de présence dans l’année. La prime étant une contrepartie complémentaire à l’activité du salarié, elle ne peut être totalement supprimée en cas de départ en cours d’année, et s’acquiert au fuir et à mesure de l’année.
(Cassation soc, 29 septembre 2021, N° 13 – 25549, ou 16 décembre 2020, N° 19 – 12209, ou encore 15 mars 2017, N°15 – 19528)
Attention donc à la validité de ces clauses assez fréquentes, qui ne sont cependant pas toujours conformes à la jurisprudence.
N.B. :
La solution du prorata au temps de présence est a fortiori retenue lorsque le contrat de travail est muet et ne prévoit pas de condition de présence.
De nombreux employeurs estiment pourtant, en cas de licenciement survenu en cours d’année, que la procédure justifie le non versement de la prime, au prorata des objectifs atteints et de la présence. C’est contestable.