Vous êtes ingénieur ou consultant en Société de Service en Ingénierie et Informatique (SSII) ou Entreprise du Service Numérique (ESN) ou Cabinet conseil ?
Votre employeur vous a placé en intercontrat :
- Qu’est-ce que cela signifie en droit ?
- Comment se comporter ? Quelles erreurs éviter ?
- Une période d’intercontrat peut-elle motiver un licenciement ?
Définition de l’intercontrat :
Il n’existe pas de définition légale de cette période (ni dans le code du travail ni dans la convention collective Syntec applicable à ces entreprises), mais une définition factuelle :
Lorsqu’un salarié est employé pour effectuer des missions plus ou moins longues auprès de différents clients, il peut arriver que les missions ne s’enchaînent pas parfaitement et qu’une période de battement s’ouvre entre deux.
Pendant cette période, le contrat de travail du salarié n’est pas suspendu.
Le salarié perçoit son salaire habituel, et tous les avantages et accessoires attachés (tickets restaurant, remboursement partiel Pass navigo etc).
Combien de temps peut durer l’intercontrat ?
Un battement de quelques jours, quelques semaines maxi peut exister entre deux missions, mais il ne doit pas durer trop longtemps. Pourquoi ?
- C’est peut-être le signe que le plan de charge de l’employeur est insuffisant pour occuper le nombre d’ingénieurs embauchés.
- C’est peut être le signe que le recrutement a été mal « calibré » par rapport aux besoins usuels de l’entreprise.
Cela ne peut pas être reproché au consultant (« je ne sais pas sur quelle mission te mettre, je n’ai pas de mission pour toi en ce moment, ton profil ne correspond pas aux demandes »).
Les périodes d’intercontrats ne relèvent pas de la responsabilité de l’ingénieur/consultant : ce n’est pas au salarié de gérer la relation client et les commandes de missions.
Si le consultant a été embauché en CDI en qualité, par exemple, de consultant en informatique, c’est a priori parce que l’entreprise a une activité régulière et suffisante dans ce domaine pour alimenter l’activité du salarié.
Donc, en cas d’intercontrat qui se prolonge, l’employeur doit, au pire, envisager un licenciement pour motif économique (cela permet une prise en charge accélérée par Pole Emploi), ou encore une rupture conventionnelle, à négocier.
En aucun cas le salarié inoccupé ne doit subir de pressions pour présenter sa démission (qui n’ouvrirait pas droit à Pole Emploi).
Que faire et ne pas faire pendant l’intercontrat ?
Puisque le contrat n’est pas suspendu, le salarié doit se présenter chaque jour à son bureau, sauf s’il a reçu un écrit (ordre de mission, courrier, mail à minima) lui permettant expressément de rester chez lui avec une dispense payée d’activité, ou pour effectuer chez lui du télétravail.
Sans cet écrit, l’employeur pourrait être tenté de reprocher au salarié son absence à son poste de travail.
Soit l’employeur a prévu de quoi occuper le salarié en accord avec ses fonctions : travail de documentation, formation, projet interne…
Soit l’employeur impose de poser des congés payés ou des RTT sur une partie de la période : c’est possible si cela a été convenu dans un accord d’entreprise. Il faut donc vérifier :
- le principe de la prise de congés payés ou RTT à une époque de l’année qui ne correspond pas toujours aux vacances usuelles,
- le nombre maximum de jours qui peuvent être posés (et donc le nombre qui resteront disponibles pour la période d’été),
- le délai de prévenance que l’employeur doit respecter pour cette prise de congés imposée.
Dans le cas où l’employeur ne donne pas ou peu de consignes, ou aucune tâche ne semble prévue, il est important de se manifester :
- pour ne pas s’exposer à des reproches,
- pour rappeler à l’employeur son obligation de fournir une mission,
- pour manifester sa disponibilité sans ambiguïté.
En pratique, il convient d’envoyer régulièrement un mail au supérieur hiérarchique opérationnel, et si le dialogue ne s’amorce pas, relancer avec copie aux Ressources Humaines ou à la Direction Générale selon la taille de la société.
Ce type d’écrit protège le salarié en intercontrat .
Que faire si l’employeur propose une mission sans rapport avec les compétences du consultant ?
Il arrive que l’employeur propose une mission d’une qualification nettement inférieure au niveau d’expertise du salarié, ou d’un autre domaine d’expertise, en soulignant que c’est la seule mission possible pour le moment.
Il est important de réagir par écrit
- Pour signaler que la mission proposée est sans intérêt ou représente un déclassement, et ainsi motiver un éventuel refus de la mission.
Ce refus ne peut pas être une cause de licenciement dès lors que la justification est correcte.
L’écrit est important pour se protéger de tout reproche de l’employeur relatif à « une non réponse à une offre de mission » ou à « une absence de dialogue » ou encore « un manque d’investissement ».
- Pour signaler que la mission requiert des compétences et/ou une expérience que le consultant n’a pas : le consultant peut s’aider dans sa réponse du cv que la société propose au client (et qui ne correspond pas à son propre cv).
Il est important de souligner par écrit un manque de compétence et attirer l’attention de l’employeur sur de possibles difficultés d’exécution de la mission et un risque de mécontentement du client.
Là encore, le consultant peut justifier un éventuel refus de la mission, ou l’accepter mais indiquer quelle compétence lui manque, afin de ne pas être l’objet de reproches.
L’employeur peut également proposer une mission géographiquement éloignée. Le consultant n’est pas obligé de l’accepter s’il n’a pas signé une clause de mobilité professionnelle. Il peut aussi l’accepter en interrogeant par écrit son employeur sur les conditions de prise en charge des frais de déplacement et hébergement.
Une période d’intercontrat est-elle un motif de licenciement ?
NON.
Le fait qu’une période s’ouvre sans mission à confier au consultant n’est pas en soi un motif de licenciement.
L’employeur peut cependant envisager un licenciement pour motif économique si l’absence de mission se confirme, mais il devra justifier au préalable :
- d’une baisse d’activité durable et touchant le département auquel appartient le consultant,
- si ce département emploie plusieurs consultants, des critères d’ordre de licenciement qui désignent ledit consultant comme celui dont le poste doit être supprimé,
- d’une impossibilité de reclasser le consultant dans un autre poste (et cette fois, même les missions moins qualifiées doivent être proposées si cela peut éviter le licenciement).
Le refus de missions ne correspondant pas aux compétences pour lesquelles le consultant a été embauché ne peut être un motif de licenciement personnel.
Attention : Le périmètre de compétence n’est pas toujours précis dans l’intitulé de poste ni dans le contrat de travail d’un consultant en SSII.
Pour prouver son domaine de compétence, penser à conserver :
- le descriptif de poste ou l’annonce publiée au moment du recrutement,
- le communiqué interne d’embauche,
- les éventuels organigrammes opérationnels,
- les feuilles de mission des précédentes missions…
Si un licenciement survient :
Contacter un avocat pour évaluer l’opportunité de contester la rupture devant un conseil de prud’hommes :
- Pour motif économique : si la baisse d’activité n’est pas prouvée, ou si l’embauche a été conclue à durée indéterminée, on peut s’interroger sur la bonne foi ou la légèreté de l’employeur qui a mal évalué ses besoins au moment de l’embauche en CDI. Exposer le salarié à une rupture prévisible peut donner lieu à des dommages intérêts.
- Pour motif personnel : si les reproches formulés sont fondés sur des refus légitimes de missions, ou si une mission s’est mal déroulée du fait de l’inadéquation de la tache avec les compétences du salarié, ou si le licenciement s’appuie sur le mécontentement d’un client sans qu’un manquement ne puisse être reproché au consultant… le licenciement sera reconnu sans cause.