Droit du travail et situation professionnelle du salarié

Avant de prendre une décision : démissionner, signer un nouveau contrat, demander une modification de son contrat ou saisir un conseil de prud’hommes, ou simplement pour appréhender sa situation professionnelle, il est utile de procéder à un « audit » d’une relation de travail au regard des nombreuses normes de droit applicables.
En tout premier lieu, il convient d’être certain que la relation en question est bien un contrat de travail !

Le droit du travail, qu'est-ce que ça recouvre ?

Le droit du travail est l’ensemble des règles écrites, non écrites, nationales et supra ou infranationales, qui régissent les relations entre un employeur et un salarié.

Le droit du travail ne vise donc que le salariat, c’est-à-dire une situation qui unit :

  • Un salarié embauché pour effectuer un travail prédéfini, dans un lien de subordination,
  • Et un employeur qui doit en échange verser un salaire préétabli, et garantir certaines conditions de travail.

Un contrat de travail n’est pas toujours écrit !
La fourniture de fait d’un travail régulier selon des consignes précises, rémunéré avec délivrance d’un bulletin de paye, suffit à caractériser l’existence d’un contrat de travail.

Il peut aussi arriver qu’une situation soit encadrée par un écrit autre qu’un contrat de travail, alors que la situation de fait correspond bien à une relation salariée.

Par exemple, une situation sera régie (à tort) par un contrat de nature commerciale, tandis que les faits correspondront en réalité à une relation de travail.

  • un prestataire à son compte qui finit par travailler exclusivement et constamment pour le même client, selon un planning défini, et peut être considéré comme son salarié. Le droit commercial est en effet celui qui régit les relations entre professionnels (deux entreprises ou deux artisans ou une entreprise et un particulier qui est client), ce qui implique une absence de lien de subordination.
  • stagiaire rémunéré ou non, selon une convention de stage, qui ne reçoit pas de formation et fournit un travail opérationnel à temps plein, équivalent à celui d’un salarié, selon des consignes et des horaires équivalents. Le stage (effectué dans le cadre d’un cursus scolaire ou universitaire, ou dans le cadre d’une alternance) est encadré et défini par une convention : le stagiaire n’est pas un salarié et ne peut être utilisé de la même façon.
  • bénévole qui fournit une prestation régulière et gratuite, parfois qualifiée, selon des consignes précises et un emploi du temps, et qui parfois même engage des frais…
  • participants à des jeux, émissions de téléréalité ou concours lorsque les critères du contrat de travail sont réunis (affaire des participants à « L’île de la tentation »).

La cour de cassation le 3 juin 2009 a rappelé à cette occasion que :

« l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions dans de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. »

La qualification de la relation est importante puisqu’elle permet de saisir la juridiction compétente en cas de litige :

  • conseil de prud’hommes pour les relations du travail entre employeur et salarié,
  • tribunal de commerce pour les relations entre commerçants.

Le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur les litiges découlant d’une relation individuelle de travail.

Les contentieux découlant des relations collectives du travail sont traités par les tribunaux judiciaires (ex-tribunaux d’instance et de grande instance) :

  • validité d’un accord collectif,
  • processus d’élections professionnelles,
  • entrave ou abus dans l’exercice du droit syndical collectif,
  • Etc.

Une fois certain que la relation relève bien d’un contrat de travail, on peut en examiner les dispositions.

Qu'est-ce qu'un contrat de travail ?

Qu’il soit écrit ou non-écrit, le contrat est ce qui unit un salarié subordonné à un employeur pour effectuer un travail précis et convenu à l’avance.
Si le contrat est verbal, il ne peut donc comporter aucun aménagement particulier, et sera considéré par défaut comme :

  • à durée indéterminée, et à temps plein,
  • réduit aux seules informations contenues sur le bulletin de paye : salaire de base, intitulé de poste, qualification, taux horaire.

Dès lors que l’employeur et/ou le salarié veulent préciser ou limiter la relation de travail, alors le contrat doit être écrit et signé :

  • contrat à durée déterminée,
  • définition de fonction, rattachement hiérarchique,
  • période d’essai et renouvellement,
  • horaires particuliers, travail de nuit, du dimanche, temps partiel,
  • forfait annuel en jours,
  • lieu de travail,
  • modalités de planning,
  • clause de mobilité, d’objectifs chiffrés, de dédit-formation, de non-concurrence,
  • astreintes, déplacements longue distance ou toute autre disponibilité particulière,
  • équipement obligatoire, tenue, matériel, véhicule de fonction ou de société,
  • Etc.

Chacune des dispositions d’un contrat, qu’il s’agisse de l’emploi, de la rémunération, du lieu de travail ou des conditions d’exécution du contrat, doit respecter le corpus des normes juridiques applicables.

Quelles sources juridiques encadrent une relation de travail ?

En premier lieu, les lois nationales :

  • Celles regroupées dans le code du travail, qui collecte et organise les lois, décrets et arrêtés relatifs aux relations de travail,
  • Certaines lois qui peuvent figurer dans d’autres codes (civil, pénal…) mais qui s’appliquent aux relations de travail. Par exemple :

L’article 1134 code civil, qui dispose : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ». Ce principe est d’ordre public.

La « bonne foi » désigne un comportement moral et respectueux des usages et des intérêts de l’autre partie, permettant une relation contractuelle équilibrée. La bonne foi exclut par exemple tout refus d’information de l’autre partie, tout comportement déloyal ou frauduleux (mensonge, force physique, intimidation, et toute forme d’abus).

En second lieu, les textes applicables à la structure qui emploie le salarié :

  • convention collective dont relève l’entreprise ou la structure (quand il en existe une),
  • accords d’entreprise signés par les syndicats et l’employeur,
  • usages non écrits (dont on peut prouver l’existence, l’application régulière et le contenu),
  • contrat de travail individuel,
  • règlement intérieur.

Ces textes sont des normes moins générales qu’une loi, plus spécifiques à un univers professionnel.

Principe de la hiérarchie des normes juridiques :

Les textes particuliers qui dérogent ou précisent une loi plus générale ne peuvent que prévoir des dispositions plus favorables pour le salarié que celles du texte plus général.

Par exemple :

Un salaire minimum conventionnel ne peut être que supérieur au salaire minimum légal, tout comme une indemnité conventionnelle de licenciement ne peut être que plus avantageuse que le barème légal.

Un contrat de travail ou une convention collective ne peuvent prévoir une période d’essai et son éventuel renouvellement plus longs que ceux prévus par la loi.

Idem pour le nombre de jours de congés annuels ou spéciaux, pour le montant d’une indemnité de non-concurrence, pour les sanctions disciplinaires, etc. : c’est toujours la plus avantageuse des normes qui l’emporte.

Il est donc parfois nécessaire de vérifier et comparer : la loi // à la convention collective // à l’accord d’entreprise // au contrat de travail.

Dans le cas où une disposition conventionnelle ou contractuelle est devenue moins avantageuse que la loi (parce que la loi a été modifiée et améliorée avec le temps et pas la convention collective ou l‘accord), alors on appliquera la loi, redevenue la norme la plus avantageuse pour le salarié.

C’est le cas pour plusieurs barèmes conventionnels d’indemnité de licenciement, devenus obsolètes et moins avantageux que le barème légal depuis qu’il a été revu en 2008.

Quels autres principes s’appliquent aux relations de travail ?

Les « droits fondamentaux » sont des droits issus de grands textes nationaux ou européens, notamment la déclaration des droits de l’homme de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (1950), et plus récemment la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000).

On peut citer parmi ces droits fondamentaux :

  • le droit à l’égalité, la liberté, la sûreté, le suffrage universel, l’emploi, la propriété, l’enseignement public, la présomption d’innocence, etc.
  • la liberté de culte, d’opinion, d’entreprendre, d’aller et venir, d’expression…

Au fil du temps, le contenu et la portée de ces grands principes ont été précisés, et ajustés aux évolutions du monde du travail (développement du numérique, travail à distance, égalité homme/femme, évolution des normes d’hygiène etc.).

Les juridictions françaises judiciaires et administratives, (tribunaux de première instance, cours d’appel, cour de cassation et Conseil d’Etat) sont garantes de l’application de ces droits fondamentaux.

La Cour de Justice de l’Union européenne assure également le respect de ces normes.

Ces principes sont applicables à toute relation contractuelle.

Les droits et libertés fondamentaux en droit du travail :

Ces grands principes et libertés fondamentales se déclinent plus précisément en droit du travail.

  • la liberté d’expression protège notamment des lanceurs d’alerte et les salariés ayant dénoncé leur situation de harcèlement moral ou sexuel,
  • le droit au respect de la vie privée protège notamment les mails et messages personnels reçus ou envoyés sur un ordinateur professionnel, dont l’objet mentionne le caractère privé.
  • la liberté syndicale a régulièrement renforcé ou protégé les droits à l’exercice d’une activité syndicale et protégé les salariés exerçant un mandat électif ou désignatif de représentation du personnel.
  • le droit à la non-discrimination a créé des cas de nullité d’un licenciement prononcé en raison d’une discrimination en raison de l’âge, le sexe, l’état de santé, l’orientation sexuelle, l’origine ethnique, l’état de grossesse, l’engagement syndical etc.
  • le droit à l’emploi à l’accès à une activité professionnelle a notamment été à l’origine de l’obligation d’assortir une clause de non-concurrence d’une indemnité significative.
  • le droit à la santé et à la sécurité a notamment créé de nombreuses obligations légales à la charge de l’employeur (fourniture de matériel de protection, mise en place de formations à la sécurité, contrôle des habilitations et permis…) et du salarié (respect des procédures, consignes et équipements de sécurité).

Attention : une liberté fondamentale peut se heurter à une autre !

  • la liberté d’aller et venir, par exemple, doit se conjuguer en entreprise avec le droit à la santé et la sécurité, ce dernier justifiant des limitations dans les déplacements au sein d’une zone de travail, ou justifiera un contrôle des horaires de travail.
  • la liberté de choisir son domicile doit se conjuguer également avec le droit à la santé et à la sécurité : un temps de trajet quotidien domicile-travail trop long, lié à un domicile éloigné choisi par le salarié, peut se heurter à ses impératifs de santé.

Toute relation de travail est donc régie par un vaste corpus juridique national et supranational, à étudier avant toute contestation !